Le virage à droite sur feu rouge: terreur des handicapés
Laura-Julie Perreault
La Presse  Vendredi le 18 mai 2001

Carol Projean est handicapé visuel et il a la frousse chaque fois que la possibilité de la légalisation du virage à droite sur feu rouge est discutée. Car un de ces virages a déjà ôté la vie à son chien-guide, Tomah, juste sous son nez.

«Je ne souhaite à personne de vivre ce que j'ai vécu, mais j'ai bien peur que ça arrive à nouveau si le ministre (des Transports) va de l'avant avec son projet», témoigne l'homme.

Il n'est pas le seul à exprimer ce point de vue. Dix organismes défendant les droits des aveugles, des handicapés et des personnes âgées ont sommé le ministre d'abandonner le projet-pilote qui se déroule présentement dans cinq régions du Québec.

Ils basent leur demande sur une étude maison qu'ils ont effectuée en enregistrant sur vidéo le comportement de 636 automobilistes à Drummondville et à Joliette, comté du ministre Chevrette, entre mars et mai.

«Nous constatons que 64% des autos observées sont en infraction», remarque Hélène Guérette, une spécialiste en mobilité de l'Institut Nazareth et Louis-Braille, qui a mené la recherche sur le terrain.

Elle explique que la majorité des automobilistes, soit obstruent complètement le passage des piétons quand ils effectuent un virage sur feu rouge, soit ne font pas d'arrêt comme la loi le prescrit.

«Ça met en danger les enfants, les cyclistes, les personnes âgées, les personnes handicapées, les piétons. En gros, ça met en danger près de 2, 5 millions de personne», croit le porte-parole de la coalition contre le virage à droit sur feu rouge, Richard Lavigne.

Un psychologue de la fondation MIRA, Noël Champagne, a pour sa part replongé dans les études d'antan pour appuyer l'opinion de la coalition. Reprenant des résultats de 1992, il relève que chaque automobiliste n'économise que 3,5 litres d'essence par année et qu'il ne passe que de 3 à 20 secondes de moins derrière son volant chaque jour grâce au virage à l'étude.

Dans le plateau de la balance des désavantages, il place des statistiques fournies par la Ville de Toronto qui, pour 2000, a recensé 9 morts et quelque 3400 accidents attribuables au virage à droite.

La Coalition regrette que M. Chevrette n'ait pas retenu les conclusions de son prédécesseur, Jacques Brassard qui, en 1996, avait fait une croix sur la question du virage à droite. Les organismes concernés auraient aimé contribuer à l'évaluation du projet-pilote. Ils rencontreront d'ailleurs les responsables de ce projet le 6 juin prochain.

Au ministère des Transports, on met un bémol sur les statistiques exposées par la coalition. «Il y a des mécanismes de surveillance en place partout. Il y a eu une grande campagne de sensibilisation pour que les automobilistes respectent les lois qui entourent le virage à droite», réitère Édith Rochette, au nom du ministre Guy Chevrette.

Quelque 20% des intersections ont été soustraites au projet-pilote parce qu'elles présentent un danger pour les piétons, ajoute-t-elle. Le ministre a annoncé au début du mois qu'il aimerait étendre le droit de virer à droite au feu rouge à l'ensemble de la province dès l'année prochaine.