Il y
a des jours comme ça. Et parfois des soirs. Pour Guy Chevrette, c'était
mercredi soir.
À la
sortie de la Chambre, vers 22h, le député de Joliette et ministre des
Transports, des Affaires autochtones et de plein d'autres affaires,
furieux qu'on ait ajourné les travaux -on étudiait son projet de loi
sur l'utilisation du cinémomètre photographique (radar photo)-s'en est
pris au député libéral de LaFontaine Jean-Claude Gobé.
Il
lui a intimé l'ordre d'aller déféquer, le traitant de «pas bon», de
«pourri» et de «maudit Français». M. Gobé l'a pris personnel. Et
aussi, hier matin, a-t-il voulu soulever l'affaire en Chambre, avant la
période des questions.
«Cette
demande n'est pas recevable», a tranché le président de la Chambre,
Jean-Pierre Charbonneau. «Il s'agit de propos privés qui n'ont pas été
tenus sur le parquet de l'Assemblée, mais après une séance régulière.
Admettant
que «l'échange» n'était peut-être pas «particulièrement glorieux»,
M. Charbonneau d'ajouter: «Il ne s'agit pas d'un échange qui pouvait
entraver d'une façon ou d'une autre, ni votre travail, ni celui de
l'Assemblée. En conséquence...»
Le
leader parlementaire de l'opposition libérale, Pierre Paradis, a
protesté. Voulant rappeler les propos prononcés par M. Chevrette, il a
tout juste eu le temps de dire: «Va donc...» Mais il fut interrompu.
Alors il s'est repris: «Va donc chier, t'es un pas...»Interrompu de
nouveau. «À l'ordre s'il vous plaît!» a tonné le président.
Mais
Pierre Paradis est rusé. Empruntant un détour, il a réussi à compléter
sa phrase: «On n'acceptera jamais, de ce côté-ci de la Chambre,
qu'aucun ministre, qu'aucun parlementaire en traite un autre de
<i>maudit Français</i> à l'Assemblée nationale du Québec...»
Le
leader du PQ, Jacques Brassard, a bondi de son siège: «M. le président,
à deux reprises, le leader de l'opposition a fait indirectement ce
qu'il ne pouvait pas faire directement...»
Les
échanges se poursuivaient ainsi depuis une dizaine de minutes quand le
chef libéral, Jean Charest, s'est immiscé: «Si le leader du
gouvernement pense que dire « maudit Français » c'est
virulent, moi, je pense que c'est raciste.»
Et
Jacques Brassard de se plaindre d'avoir lui-même été traité de «fasciste»
par le leader adjoint libéral, Thomas Mulcair, la semaine dernière. «Est-ce
que (le chef de l'opposition) trouve ça acceptable? Qu'il le dise!»
C'est
le premier ministre Bernard Landry qui a sonné la fin de la récré. Il
a dit du député Gobé: «C'est un homme pour lequel j'ai beaucoup
d'estime. On a même des liens d'amitié et on surveille ensemble l'évolution
de certains pays du Maghreb avec passion.»
Et
des Français: «C'est une des nations les plus brillantes du monde.»
Et de l'expression «maudit Français» employée par son ministre des
Transports: «C'est un vocabulaire tout à fait désuet, même si dans
le feu de l'action, et ça, faut le reconnaître, nous sommes les élus
du peuple. Alors des fois, on a le comportement du peuple (...) et le
peuple québécois est réputé pour avoir, dans sa langue, des
expressions vigoureuses...»
À un
moment donné, la période des questions a pu débuter. Il y a des jours
comme ça. |