Étude des bras spiraux des galaxies de type Sc

1995-1996

Par Gilbert St-Onge, Lorraine Morin

CDADFS de Dorval

BUT DU PROJET

Figure 1Après avoir remarqué, sur de belles photos de galaxies spirales, la différence de concentration lumineuse dans les bras de certaines de ces galaxies, notre objectif était de mettre en évidence cette asymétrie lumineuse par des prises d'images de ces mêmes galaxies. Des images de M51, M101, M33, NGC 3184, M99 et M74 nous montrent ce phénomène. Il nous faut, bien sûr, des galaxies vues de face le plus possible. Il y a donc un bras (ou une grande surface) de ces galaxies qui est moins lumineux et plus fragmenté que l'ensemble de la galaxie.

POURQUOI DES DIFFÉRENCES DE LUMINOSITÉ APPARENTES?

Voici quelques causes possibles:

L'ONDE DE DENSITÉ

La formation des bras spiraux de ces galaxies n'est pas encore bien comprise; la théorie de l'onde de densité est probablement la plus plausible pour expliquer la formation des bras. De plus, on ne sait pas dans quelle mesure les supernovae peuvent intervenir.

La théorie de l'onde de densité est de C.C. Lin et G. Bertin et leurs collaborateurs. Il est très difficile d'attribuer à la rotation différentielle dans le disque galactique la formation des bras spiraux et leur maintien à long terme! Les multiples rotations effectuées depuis la formation de ces galaxies auraient fragmenté et dissipé ces bras et on ne pourrait plus les observer aujourd'hui. La théorie de l'onde de densité arrive, par son mécanisme, à expliquer la formation et le maintien des bras spiraux de ces galaxies.

Voici quelques éléments importants de l'onde de densité:

On y traite les galaxies comme des fluides, dans lesquels des ondes, créées par des perturbations du potentiel gravitationnel, forment des ondes en spirales qui se déplacent dans le disque galactique, superposées à la rotation du disque. Ce mécanisme préconise une onde qui a une vitesse angulaire constante et cette onde balaie, comme une vague sur l'eau, le disque de matière des galaxies sans entraîner par lien direct la matière de ces disques. L'onde a un mouvement moins rapide que la rotation du disque de la galaxie. Cette onde s'auto-entretiendrait par un mouvement favorable de sa vitesse angulaire et de sa forme spirale.

La matiere pénètre l'onde par le côté concave de l'onde.

Une accélération importante des étoiles et surtout des gaz se produit à l'approche des bras. Dans les bras, la matière ralentit et se compresse (densité augmentant), ce qui favoriserait le déclenchement de formation d'étoiles. De nombreuses étoiles sont formées. Les étoiles plus massives ionisent les gaz; le développement des régions HII est favorisé.

La théorie suggère que du côté convexe du front d'onde, on peut observer une étroite bande d'étoiles bleues lumineuses et des régions HII. Suivant cela, on trouve une vague, une bande plus large d'étoiles plus vieilles et des amas d'étoiles. La population du disque est composée d'étoiles plus vieilles (plus rouges) qui sont distribuées à peu près uniformément. L'onde disparait si sa vitesse se synchronise avec la vitesse de rotation de la galaxie. Ce qui pourrait expliquer qu'à grande distance du noyau, dans le disque des galaxies, on ne voit presque plus de régions HII malgré le fait qu'il y ait beaucoup de gaz (la rotation galactique diminue en s'éloignant du noyau).

L'observation de concentrations plus importantes de zones HII dans les bras galactiques, les étoiles bleues plus abondantes et les gaz plus denses dans les bras, et certaines irregularités dans la courbe de rotation favorisent la théorie de l'onde de densité.

Pour ceux qui voudraient en savoir plus, on peut se procurer un livre tout nouveau qui fera sûrement autorité sur le sujet: «Spiral Structure in galaxies», a density wave theory, G. Bertin & C.C. Lin (deux collaborateurs et artisans de cette théorie!), The MIT Press.

Il faut signaler que cette théorie pose plusieurs questions dont voici deux exemples:

OBJETS TRAITÉS

Les circonstances nous ont forcés à concentrer nos efforts sur trois candidates, soit M51, M33 et M101. Ces trois galaxies sont suffisamment vues de face pour nos besoins. Notre stratégie était d'observer ces galaxies en utilisant un CCD et de tenter d'interpréter les asymétries de leurs distributions lumineuses.

APPLICATION AUX GALAXIES ÉTUDIÉES

Pour expliquer les phénomènes apparents, on peut les attribuer à des forces gravitationnelles causées par la présence d'une autre galaxie dans leur voisinage. Pour M51 c'est évident mais, après vérification pour M33 et M101, il n'y a pas de galaxie connue dans leur environnement immédiat. Il faut donc s'en remettre à d'autres hypothèses. On peut supposer pour M33 et M101, que les mécanismes responsables de ces phénomenes sont intrinsèques à ces deux galaxies. C'est pourquoi nous avons décidé d'observer ces galaxies à l'aide de filtres B (bleu) et I (très rouge).

Voici quelques exemples de galaxies asymétriquement lumineuses:


Figure 2Pour notre travail, le modèle utilisé (onde de densité) suggère que les étoiles bleues, jeunes et massives, dominent de leur lumière les bras spiraux des galaxies; ces étoiles très massives rendent l'âme avant d'avoir le temps de s'éloigner loin du lieu de leur formation! Les autres étoiles, plus vieilles (moins massives) et plus rouges, devraient se distribuer à peu près uniformément dans le disque de ces galaxies.

Nous espérions donc que des observations en filtre rouge (I) nous montreraient la distribution des étoiles rouges et des observations en bleu (B) ou sans filtre nous montreraient la dominance de la lumière des étoiles bleues très massives dans les bras spiraux. Nous voulions, de cette façon, mieux cibler l'asymétrie observée.


MODÈLES ET PRÉVISIONS

Il est possible que:

Figure 3

OBSERVATIONS

Surprise! Au traitement des images M33 et M101, on constate rapidement que les distributions lumineuses avec le filtre (B) sont différentes de celles en filtre (I). Comme si ces galaxies avaient un côté de matière plus rouge et l'autre de matière plus bleue. Une photométrie de surface de ces images (B) et (I) montre bien qu'il peut s'agir de déficience locale du bleu et d'une abondance du rouge dans le bras B pour M101, BC pour M33. La galaxie M51, elle, semble mieux suivre les lignes directrices; en (B) et (I), on trouve pour M51 des distributions lumineuses s'accordant au modèle. Donc M33 et M101 semblent nous indiquer une extinction locale importante du côté des bras secondaires.

Qu'est-ce qui favoriserait les distributions observées dans M33 et M101? Il s'agit possiblement d'extinction locale de la lumière des étoiles bleues dans certaines régions des bras de ces galaxies. Des régions d'étoiles bleues cachées par des matières qui absorbent et rediffusent leur lumière à des niveaux d'énergie moins importants, donc plus rouges. Remarquez pour M101: les graphiques bleus et rouges s'inversent très localement indiquant un mouvement inattendu du pic lumineux de M101 à ces endroits!


Figure 4

Graphiques d'une photométrie de surface des bras de ces galaxies.

Ces graphiques sont le fruit d'une photométrie de surface effectuée comme suit:

Cette méthode permet de comparer directement, en superposant les mesures des bras d'une même galaxie, de visualiser les distributions lumineuses locales à un endroit équivalant dans ces bras par rapport au noyau de la galaxie et ce dans le filtre désiré, soit en bleu, sans filtre ou en rouge.

MANIPULATION DES IMAGES

Il faut donc isoler la lumière bleue et rouge de ces galaxies au maximum en espérant déceler des signes précurseurs de quelque explication. D'abord, on identifie les bras selon leur importance (densité et luminosité) sans filtre (A, B, C...). Puis nos manipulations sont assez simples: on aligne le mieux possible les images d'une même galaxie, une sans filtre (ou en bleu) et une rouge (I), puis on les soustrait. Ce qui nous reste est une image nous montrant les sites les plus intenses, en bleu si l'on fait (B - I) ou (V - I) et l'extrême rouge si l'on fait (I - V) ou (I - B).

Pour ce travail, nous avons effectué des soustractions et aussi des divisions d'images, ce qui nous a donné des résultats tout a fait compatibles. Ces manipulations rendent plus évidentes les distributions des éléments rouges et bleus dans ces galaxies. Dans le cas de M33 et de M101, cela nous a permis de faire une correspondance entre nos résultats en (V - I), qui semblent compatibles aux images en (U.V.) de la mission «Astro 2» à bord de la navette spatiale «Endeavour» en mars 1995, avec les astronomes Samuel Durrance et Ronald Parise.

Figure 5Trois télescopes étaient à bord de la navette; seul le «Ultraviolet Imaging Telescope» (UIT), d'un diamètre de 38cm et d'une focale de 3,4m est optique et peut prendre des images. Ces observations ont été effectuées dans l'ultraviolet: pour M101, une pose de 22 minutes (35nm à 152nm), de résolution spatiale de 3", et pour M33, à 220nm.


Nos images en (I) de M33 semblent aussi compatibles aux images infra-rouges du satellite IRAS et de l'observatoire du New Mexico University en (H alpha)!

Figure 6


Il fallait confirmer nos mesures. Nous avons donc demandé à un autre astronome amateur, Patrice Gérin-Roze, de refaire nos mesures pour confirmer nos graphiques. Il a effectué au hasard une série d'évaluations lumineuses locales des bras des galaxies M51, M101, M33. Ces graphiques montrent bien qu'il y a un bras de luminosité plus importante que l'autre.

Nous avons, pour notre part, pu refaire des images en filtre (I) de M51, M101 et M33 avec un petit instrument le 11 novembre 1996 et le 16 mars 1996. Nos résultats montrent quand même des distributions lumineuses compatibles aux images (I) et sans filtre utilisées pour ce travail, ce qui appuie notre démarche et confirme que nos images sans filtre et en (I) sont tout au moins assez correctes!

Puis une série de mesures ont été effectuées sur des images de M33 venues de la mission Astro 2 en ultraviolet. Ces mesures appuient bien l'ordre de distribution observé sur nos images en bleu ou (V-I)! Des mesures ont aussi été prises sur les images M33 en infra-rouge provenant du satellite IRAS, et en (H alpha) prises au New Mexico Observatory. Ces séries de mesures confirment bien la dominance du bras (C) (2ième secondaire) sur le bras (A; principal) en filtre bleu ou sans filtre (donc un renversement de luminosité) tel qu'observé sur nos images CCD sans filtre ou bleu et en filtre (I).

Graphiques d'une photométrie de surface des bras de la galaxies M33.


Figure 7HYPOTHÈSE RETENUE POUR EXPLIQUER PARTIELLEMENT LE PHÉNOMÈNE DANS M101

CONCLUSION

Pour conclure, on peut croire que le phénomène observé dans M33 et M101 serait dû à une extinction locale associable au rougissement stellaire causé par des matières interstellaires. Ces matières absorberaient le bleu (plus facile à arrêter par des poussières) et le rediffuseraient à des niveaux d'énergie moins importants (donc plus rouges)! Ce phénomène se traduit normalement par un déplacement du pic d'intensité lumineuse des étoiles affectées, ce qui peut s'apparenter à nos mesures dans M33 et M101.





Graphiques d'une photométrie de surface des bras de la galaxies M51.

Nous avons aussi le cas de M51 qui, elle, reste plus fidèle à sa distribution lumineuse en filtre (U) et (I). Cette galaxie est la seule des trois galaxies observées qui a subi un drainage de matière dernièrement de son bras dit secondaire, par interaction avec une autre galaxie proche. M51 semble se conformer aux conditions où on admet qu'une quantité moindre de matière lumineuse (moins d'étoiles) localement ne devrait pas affecter le pic d'intensité lumineuse observé dans différentes longueurs d'onde.

Pour terminer, nous pensons que l'analyse faite en correspondance avec le graphique de Comte et al., de la courbe de rotation de M101 est probablement une partie de la cause de ce phénomène.

LE FUTUR

La suite de ce projet consistera en ces étapes:

Pour tout renseignement supplémentaire:
Gilbert St-Onge et Lorraine Morin

Références utilisées:

FIN